BD schreef 16 juni 2003 in Le Figaro

Au cabaret du cœur

MUSIC-HALL HERMAN VAN VEEN au Thèâtre DeJazèt


HERMAN VAN VEEN compte parmi'ces gens qui parlent toutes les langues, qui savent tous les arts, et dont (m n'est jamais surpris qu'ils cachent, en plus, une compétence secrète - au hasard, champion de ski, chartiste ou jongleur. Depuis des _ lustres, ce Hollandais charmant chante, joue au théâtre et au cinéma, écrit des livres pour enfants et des scénarios pour la télévision, bricole de vir-tuoses spectacles de music-hall, enregistre à tour de bras, se produit un peu partout en néerlandais, en anglais, en allemand, en français.

De temps en temps, il vient chez nous, comme en ce moment au Théâtre Déjazet avec Chapeau, curieuse ' aventure composite et attachante.

Il chante sa famille, " Amsterdam sud, quartier des rivières ". l'ombre immense de la guerre sur son enfance, des rêves de gosse et la sereine cruauté des adultes, rappelle que " le monde est à tout le monde, et tout le monde est au monde ", joue du violon, s'échappe dans de jolies surprises instrumentales avec ses trois musiciens, jette de l'eau sur les premiers rangs, plaisante sur l'opéra... Il y a dans ce spectacle plein d'envols, de voyages, de racines, la valse batave, le blues d'Europe, toutes les tsiga-neries et un rien de comédie italienne, le cabaret berlinois et le flamenco anglais, et puis la chanson française - c'est-à-dire des émotions très douées, des sentiments très violents, beaucoup d'accents circonflexes et des rêves qui affleurent. Ses chansons ressemblent tantôt à Mano Solo, tantôt à Gérard Lenorman, avec la liberté de Chanter soudain , très librement, très densé-ment, très vigoureusement, un peu comme on sait lâcher l'expression chez les Anglo-Saxons. ,

Une fois qu'on l'a entendu parler japonais - et qu'on a tout compris -, on ne s'étonne pas qu'il se chausse d'escarpins de dame et se mette à danser comme ..Tina Tumer après avoir , chanté Les Yeux de ma mère d'Arno, et on se met soudain à comprendre le hollandais, langue pleine d'échardes, de galets, de supplices. Au fond du cœur, on le remercie de chanter et parler si bien notre langue, avec des précautions amoureuses et des douceurs un peu musquées. Et puis il y a quelque chose qui tient de la splendeur de la civilisation hollandaise, ,d'une sorte de dignité indestructible etfière : qui d'autre pourrait n'être pas ridicule et susciter une telle émotion après s'être coiffé d'un slip ?

Profond et fantasque, fervent et vigoureux, un spectacle farceur, inclassable, riche.



BD.

. Théâtre Déjazet,
. jusqu'au 22 juin à 20 h 30,
puis du 17 au 27 septembre.
Tél. : 01.48.87.52:55.